«La vie des autres» avec EDVIGE
Communiqué du Syndicat de la Magistrature (3 juillet 2008)
Un décret publié le 1er
juillet 2008 au Journal officiel institue un nouveau fichier dénommé
EDVIGE, organisant le fichage généralisé et systématique de « toutes
personnes âgée de 13 ans et plus » « ayant sollicité, exercé ou
exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un
rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif ». En
clair, tous les citoyens ayant un jour souhaité s’investir pour leur
cité.
Il est également prévu de ficher tout individu, groupe
ou organisation dont l’activité est susceptible de troubler l’ordre
public et de permettre aux services de police d’effectuer des enquêtes
administratives pour l’accès à certains emplois ou à certaines
missions, sur la base des éléments figurant dans le fichier EDVIGE.
L’enregistrement des données à caractère personnel n’a
aucune limite, ni dans le temps ni dans son contenu, puisque pourront
être répertoriées toutes les informations relatives aux fréquentations,
au comportement, aux déplacements, à l’appartenance ethnique, à la vie
sexuelle, aux opinions politiques, philosophiques et religieuses, au
patrimoine, au véhicule etc….
Si le décret du 14 octobre 1991 permettait déjà aux
Renseignements Généraux de récolter et détenir des informations sur les
personnes majeures impliquées dans le débat public, EDVIGE étend
considérablement le champ des données collectables, comme les motifs
justifiant le fichage.
En effet, il s’agit aujourd’hui d’informer le
gouvernement sur des individus engagés et non plus de lui permettre
d’apprécier une situation politique économique ou sociale.
Malgré les recommandations du Conseil de l’Europe et
les nombreuses réserves de la CNIL concernant ce fichier, le
gouvernement fait le choix d’adopter un mode de recensement des
populations particulièrement attentatoire aux libertés et au respect de
la vie privée.
De même que la rétention de sûreté a vocation à
prévenir d’un crime hypothétique, EDVIGE pourra avoir vocation à se
prémunir contre toute forme d’opposition.
En effet, comment ne pas rapprocher EDVIGE (on
s’interrogera au passage sur le choix d’un prénom féminin) d’un
contexte autoritaire plus global qui remet en cause l’indépendance des
médias, comme celle de la Justice, et qui mène une lutte permanente
contre les acteurs du mouvement social ?
Cette dimension nouvelle du fichage politique
introduit, au prétexte toujours bien commode de l’ordre public, un
moyen puissant de dissuasion de toute forme de contestation ou
d’opposition citoyenne.
Le Syndicat de la magistrature appelle à la
mobilisation contre la mise en place de ce fichier d’inspiration
anti-démocratique et examinera toute forme d’action juridique pour
empêcher sa mise en œuvre.